vendredi 12 février 2010

Ce que l’on manigance.

Sommes nous pour ou contre, les bons ou les méchants?
Le peuple quand il pose son regard grégaire et désabusé sur nous, nous interroge: « Mais que revendiquez-vous? Quel est votre but? Ce but est-il le notre? » Ce que personne n’a saisi c’est que toute notre énergie se concentre sur des réponses apportées à des questions qui ne se posent pas, sur des questions qui ne demandent pas de réponse. Brasser du vide dans un temps indéfini, en pleine dépossession de nos moyens, pure autarcie, voilà ce qui nous lie les uns aux autres.
Nous contemplons nos propres existences comme des automobilistes; ralentissant aux abords d’un accident de voiture, histoire d’observer les dégâts de loin, de saisir l’horreur et les débris en pure perte, sans salut ni main tendue; sans autre préoccupation que celle d’un voyeur, pas loin d’être pris en faute, se délectant quand même d’un peu de chair carbonisée, entremêlée artistiquement à l’habitacle, dans le glissement soyeux de l’huile de moteur.
Que sommes-nous sinon un soupir ravalé qui gonfle à l’intérieur de nous, une plaie béante à la saveur salée dont on se pourlèche à l’avance tant ce sera amer.
Qui sommes-nous sinon l’agglomérat kystique, de ce que l’on a fait de nous?
Nous y voilà, qui est cet « on ». Qui est cet ennemi inconnu, aux mille visages, qui porte suffisamment de masques pour qu’on ne puisse jamais réellement l’identifier pour s’y attaquer, une bonne fois pour toutes. Qui sont ces gens, qui est cette entité, ce tout crée de rien qui est devenu graduellement notre oxygène?
Qu’on ne puisse jamais s’y attaquer, cela les arrange comme il le faudrait, et comme il se doit nous en sommes les victimes consentantes. Quelle réponse satisfaisante pourrions nous fournir à la question « Que voulez-vous? » Nous avions des rêves. Désormais nous attendons que l’on nous en donne. Donnez-nous du rêve Désormais, notre secret espoir, est d’en obtenir un qui nous appartienne, que l’on arrête de nous en donner, comme si c’était gratuit. Nos rêves qu’en avons-nous fait? ! Donnez nous quelque chose de concret, pas forcément palpable, pas forcément réaliste, mais toujours idéal sous conditions, à intervalles réguliers, une dose thérapeutique de volonté de possession. Faites toujours semblant avec nous, car le jour où il faudra nous dire la triste vérité, nous refusons de croire à notre infortune, à notre impuissance, à vos mensonges éhontés dévoilés sous la forme la plus séduisante tellement crédible.
Cet état de faits est tellement insupportable que chaque main tendue vers le monde réel, chaque regard posé sur l’existence est une frustration, une lâche concession au commun des mortels, un cessez le feu de nos désirs, de nos réelles aspirations au monde, la volonté de puissance, d’existence ne fera plus jamais partie de nous, nous sommes lâches, nous sommes des êtres sans volonté de changement, ce qui nous lie c’est cette sensation d’oppression permanente du vouloir. Si seulement nous pouvions ne plus jamais rien vouloir, et surtout ne rien obtenir, ne rien chercher à obtenir, se débarrasser de toutes nos illusions, de toute cette hypersensibilité trop abstraite pour
nous reposer ne serait-ce qu’un instant. Si seulement nous pouvions ne rien concevoir, ne jamais rien créer, ne jamais rien entreprendre, pour ne pas réussir, ne pas échouer non plus, qu’on puisse seulement s’arrêter de respirer, se laisser porter, sans aucune conscience, sans aucun souvenir, aucun héritage, aucune connaissance, pas de perte, pas de gain, rien de rien. Nous prenons naissance, nous prenons racine, dans le négatif, dans l’absence de ce que nous sommes, il ne pourra jamais en être autrement.

par Prostate